Confort vibratoire
Confort et subjectivité
La notion de confort automobile est une chose fort complexe. Il suffit, pour s'en convaincre, de comparer les critères de différents constructeurs. Pour satisfaire les exigences de leurs clients à la fois en confort et en agrément de conduite, les constructeurs français conçoivent des véhicules qui associent en général une suspension ferme à des sièges souples et enveloppants. En Allemagne, c'est souvent le contraire : la suspension est souple et les sièges sont fermes. A bord d'un véhicule allemand, les français ont plutôt une impression de dureté à laquelle ils sont moins habitués. Mais, au fil des années, bon nombre de français se sont faits aux véhicules allemands… et inversement.
Exposition aux vibrations
L’exposition aux vibrations est inhérente à l’utilisation de véhicule. Lorsqu’une personne est assise sur un siège dans un véhicule roulant sur une route plus ou moins lisse, les vibrations sont transmises à l’ensemble du corps. Le risque de lésion dépend de l’intensité et de la fréquence des vibrations. C’est pourquoi il ne faut pas se contenter d’étudier le corps humain seul, mais l’Humain dans le véhicule. Ce qui nous amène à nous poser des questions sur la contribution de la structure du véhicule au filtrage des vibrations ressenties par l’être humain. Un véhicule en mouvement génère-t-il forcément des vibrations ressenties par l’être humain ? Quel rôle peut jouer la suspension sur la combinaison Homme-Véhicule ?
De 0 à 100 Hz
L’étude de la sensibilité humaine aux vibrations démontre que la bande de fréquences 0 à 100 Hz est très importante. Le corps humain, d’un point de vue biomécanique est modélisé par un ensemble de systèmes masse-ressort-amortisseur dont les caractéristiques sont non linéaires. Pour certaines fréquences, les masses corporelles entrent en résonance. Par conséquent, mesurer les vibrations du plancher dans le poste de conduite n’est pas suffisant. Il faut aussi connaitre les mouvements des masses corporelles. A l’étude mécanique doit donc s’ajouter une étude biomécanique.
3 bandes de fréquences
La zone de fréquences entre 0 et 100 Hz est donc décomposée en trois bandes de fréquences :
- La première concerne les fréquences inférieures à 20 Hz, autrement dit, les vibrations basses fréquences au sens biomécanique,
- La deuxième regroupe les fréquences moyennes qui se placent entre 20 et 100 Hz,
- La troisième rassemble les phénomènes acoustiques dont les fréquences sont supérieures à 100 Hz. Il s’avère que la plage de fréquence de 0 à 20 Hz dans laquelle le corps humain est extrêmement sensible aux vibrations verticales correspond à la plage de fonctionnement de la suspension.
Plage de fréquence 0-20 hertz
L’approche biomécanique des vibrations [Berthoz (1971)] permet donc de définir les fréquences de résonance des différents organes de l’être humain et ainsi d’identifier l’impact de la suspension sur le ressenti des passagers [ISO 5349 (1986)][Griffin (1976)]. Cela permet également d’identifier le potentiel de la suspension en terme de confort car, même si elle joue un rôle important dans le confort verticale, au-delà d’une certaine fréquence, d’autres systèmes du véhicule entrent en action pour dégrader ou améliorer ce même confort verticale. La sollicitation des organes à des fréquences bien précises provoque des problèmes allant d’un simple mal-être jusqu’à la dégradation d’une ou plusieurs fonctions biologique [Berthoz(1967)][BSI (1987a)] [BSI (1987b)][Parlement Européen (2002)]. D’où l’importance d’éviter la transmission des vibrations aux régions physiologiquement sensibles. Ceci démontre l’intérêt de posséder un système de filtrage qui soit très efficace dans la plage comprenant les fréquences de résonance des organes.
Impact sur l'humain
Oreille interne
L’oreille interne est particulièrement sensible aux vibrations périodiques de très basses fréquences (inférieures à 1 Hz). Une exposition directe de ce type peut occasionner une cinétose plus communément appelé : "mal des transports" (altération de nature neuro-végétative).
Coeur et organes
Le cœur présente une résonance à 7 Hz. De plus des douleurs analogues à celle de l’infarctus du myocarde apparaissent à 4 Hz et persistent jusqu’à 11 Hz. Des mouvements d’ensemble de la masse thoraco-abdominale sont probablement liés aux propriétés dynamiques du foie qui pèse 1,5 kg environ. Sa fréquence de résonance est située entre 4 et 8 Hz, celle de l’estomac entre 4 et 5 Hz [Griffin (1986)][Griffin et al. (1977)]. Dans certains cas, une augmentation des troubles gastro-intestinaux (ulcères gastroduodénaux et gastrites) a été rapportée par les conducteurs de véhicules vibrants. Au-dessus et jusqu’au 6 Hz, ces effets se manifestent par une respiration et une parole compliquées. Les mouvements du rein sont maximaux entre 6 et 12 Hz, ils peuvent induire des étirements de l’uretère et modifier le péristaltisme de celui-ci (contraction des muscles pour déplacer le contenu d’un organe). Enfin des études épidémiologiques [INRS 2001] ont montrées que des douleurs lombaires, hernies discales et lésions précoces de la colonne vertébrale sont plus fréquentes en cas d’exposition prolongée de l’ensemble du corps à des vibrations dans les moyennes fréquences à partir de 10 Hz. L’être humain est donc fortement sensible aux vibrations verticales qu’il subit, c’est pourquoi la suspension doit, entre autres, permettre de filtrer toutes les vibrations désagréables pour l’Homme [Griffin et al. (1988)].
Comment les vibrations sont-elles transmises ?
Les liaisons au sol
Les vibrations à bord d’un véhicule proviennent de trois sources :
- Le moteur ou intermédiaire mécanique entre le moteur et les roues ;
- Le tour de roue ;
- Le sol qui impose aux roues des mouvements dont la composition en fréquences, la nature et l’amplitude dépendent du profil du terrain et de la vitesse de l’engin. L’excitation par le sol est responsable de la plus grande partie des oscillations de grande amplitude dans la plage 0 à 100 Hz [Cucuz (1992)][Vercelotti (1986)].
Le système homme - caisse - suspension
Les études de biomécanique humaine montrent que la fréquence à laquelle ce dernier est le moins sensible aux vibrations verticales se trouve autour de 1 Hz. Le système "homme-caisse-suspension" entre en résonance pour une fréquence autour de 1 Hz. Ce mode n’existe que par la présence de la suspension. Par conséquent le choix du dimensionnement de la suspension est primordial de manière à placer ce mode dans la zone de fréquence la moins sensible pour l’être humain. Le système "homme-siège" possède un mode dont la fréquence de résonance est aux environs de 4 Hz [Hontschik et al. (1972)][Hontschik et al. (1974)].
Il est possible de définir deux phénomènes : le rebond et le tassement dans la zone 2.5 à 8 Hz. Le premier correspond à un mouvement d’oscillation du conducteur d’amplitude quasi-constante autour d’une valeur moyenne. Le second apparait quand l’amplitude de ce mouvement s’accroit subitement lors d’un passage dans un grand creux par exemple. Le thorax vient alors comprimer l’abdomen. Cette zone de fréquence intégrant le mode du conducteur sur son siège correspond également à une zone particulièrement sensible en biomécanique humaine. C’est pourquoi il est très important de filtrer au maximum les vibrations provenant de la route aux fréquences comprise entre 2.5 et 8 Hz. Cette zone est dite : zone des tressautements.
Le système suspension - roue
Le système "suspension-roue" présente un mode propre entre 11 et 17 Hz en fonction du pneumatique. Le dimensionnement de la suspension a une réelle influence dans cette zone de fréquences puisqu’il est responsable de ce que l’on appelle le rebond de roue, ou battement de roue lorsque ce mode est mal contrôlé. Ce phénomène, présent uniquement sur les véhicules suspendus, correspond à l’entrée en résonance de la roue provoquant des vibrations dans la caisse à travers les éléments du train, aussi appelé ébranlements de trains. En effet, l’énergie de la roue doit être dissipée par un amortisseur car le pneumatique à lui seul ne suffit pas. Par conséquent, il est nécessaire de trouver d’autres éléments résistifs pouvant dissiper cette énergie avant que cette dernière n’atteigne la caisse et donc les passagers. Une solution est de traiter ce phénomène par l’amortisseur de suspension. Le système "homme-siège-véhicule" réagit à la zone de fréquences (5 à 60 Hz) dans laquelle les vibrations sont ressenties au niveau du plancher, des sièges et du volant, c’est ce que l’on appelle : les trépidations [Dignac (2011)].
Elles sont soit dues à une excitation aléatoire entretenue provoquées par une "route bosselée de campagne" par exemple, soit à une excitation périodique de type "ondulation" souvent ressentie sur autoroute par exemple.
Deux phénomènes distincts sont présents en réalité sous ce terme :
- Les modes de corps rigides qui sont des modes vibratoires où des masses indéformables entrent en résonance sur différentes fixations élastiques (mode de moteur, mode de train avant et arrière...)
- Les modes de structures où la structure elle-même se déforme, notamment sur un revêtement légèrement dégradé et donc générateur de fréquences comprises entre 10 et 40 Hz.
Si une structure présente des modes de vibrations peu amortis dans cette bande de fréquences, ces modes peuvent engendrer des vibrations importantes. C’est le cas pour certain véhicule où le mode de torsion est situé autour de 20 Hz. L’analyse vibratoire fait apparaitre un maximum vibratoire aux places arrières entre 15 et 30 Hz. Après 40 Hz et jusqu’au 200 Hz, des percussions (choc à la roue type bouche d’égout, raccord bitume, ...) sont à l’origine des vibrations et chocs sonores éprouvés par les passagers. Finalement, au-dessus de 250 Hz les vibrations se manifestent par des sons basses fréquences (bruits de roulement).
Conclusion
L’exposition aux vibrations est donc inhérente à l’utilisation d’un véhicule. Les vibrations les plus néfastes sont situées dans la plage de fréquences 2 à 15 Hz :
- Entre 2 et 8 Hz les organes internes peuvent entrer en résonance (zone des tressautements),
- Entre 8 et 15 Hz les vibrations sont transmises à l’ensemble du corps par le biais de la colonne vertébrale.
Malheureusement, bien que certains équipements du véhicule protègent les passagers de certaines fréquences sensibles en agissant comme un filtre (c’est le cas du siège), ces mêmes équipements couplés à l’homme ou autres masses suspendues ont leurs propres modes de résonance qui pour certains ne sont pas idéalement situés. La suspension est un système qui permet de filtrer une partie de ces fréquences non désirables au niveau de la caisse. Il est donc important :
En dessous de 1 Hz, de ne pas amplifier le contenu spectral des sollicitations route
Entre 2,5 et 8 Hz (zone fréquentielle dans laquelle la majorité des organes internes sont sollicités) et autour du mode de roue (1 Hz), de diminuer le contenu spectral des sollicitations route transmis à la caisse