Biais d'engagement
Découvrez le biais d'engagement et ses effets néfastes lors de la gestion d'un projet. L'escalade de l'engagement est un biais cognitif qui se défini par un comportement de persistance dans une voie ou une direction malgré des signaux négatifs reçus. Plutôt que changer de cap, nous persistons dans la mauvaise direction.
Découvrez le biais d'engagement et ses effets.
Connaissez-vous le point commun entre la guerre du Vietnam et la Philharmonie de Paris ? Non ? La réponse est pourtant précisément liée au biais cognitif que je vais vous décrire aujourd'hui : ils ont tous les 2 été victimes de l’escalade d’engagement ! (ou biais d’engagement). Son principe : Lorsqu’un individu ou un groupe d’individus est confronté à des résultats de plus en plus négatifs issus d’une décision initiale, il aura tout de même tendance à persévérer dans sa décision, avec pour conséquence une accumulation toujours plus importante de ces effets négatifs. Ce biais a initialement été découvert en 1976 par le chercheur Barry Staw. Pour ce faire, ce chercheur a demandé à des étudiants d’une école de commerce d’imaginer être les chefs d’une entreprise fictive, et de devoir choisir d’allouer un fonds d’investissement à l’une des 2 filiales de leur entreprise. Dans un second temps, il leur a ensuite expliqué que leur investissement, plusieurs années après, s’était révélé être un échec total. Puis il leur a demandé une nouvelle fois de choisir à quelle filiale ils souhaitaient allouer un nouvel investissement. Contre toute logique, une majorité d’étudiants choisissaient d’allouer leur second investissement à la même filiale, alors même qu’ils avaient connaissance de l’échec initial. Et cet effet ne s’observe malheureusement pas que dans les expériences des chercheurs en psychologie. Pour revenir aux exemples cités plus haut, dans le cadre de la guerre du Vietnam, une dépense toujours plus importante sur plus de 19 ans a eu des coûts majeurs en termes de vies humaines et de moyens financiers et matériels, alors même qu’aucun résultat significatif ne venait justifier cet enlisement. Pour la Philharmonie de Paris, c’est une réévaluation successive des coûts du projet qui a fait passer l'estimation initiale de 173 millions d'euros en 2006, à 534,7 millions en 2015, soit plus de 3 fois son prix !
Mais pourquoi donc un tel acharnement à poursuivre les efforts dans une direction qui s’enlise de plus en plus ?
Selon la littérature scientifique, il existerait 4 types de déterminants impliqués dans l’émergence de ce biais :
Les causes liées au projet, qui concernent les caractéristiques intrinsèques du projet : Pourquoi avoir pris cette décision initiale ? Quelle est la rentabilité finale espérée ? Quel coût représenterait l’arrêt total du projet ?
Les causes psychologiques, qui regroupent les influences d’ordre cognitives et émotionnelles qui entraînent cette tendance à persévérer dans une direction pourtant négative : besoin de justifier la pertinence de la décision initiale, biais de confirmation, peur de l’échec
Les causes sociales, qui regroupent l’influence des pairs sur la prise de décision et peuvent freiner la remise en question : la volonté d’éviter à tout prix la honte publique de l’échec, l’importance du projet pour son N+1
Les causes organisationnelles, qui regroupent les caractéristiques intrinsèques à l’organisation : complexité des démarches administratives pour arrêter le projet, le nombre de petits projets associés
Conclusion
Autrement dit, de nombreux facteurs internes à une structure peuvent agir sur la décision de poursuivre des efforts dans un projet, même lorsque les résultats sont négatifs. Et ce biais peut également avoir un impact important sur les tests utilisateurs ! Dans ce type contexte, le biais d’engagement aura pour conséquences probables de réduire l’objectivité et l’utilité des tests réalisés. En effet, conduire un test utilisateur fait courir le risque de recevoir des critiques négatives sur son produit, et donc de devoir changer d’orientation ou d’y apporter des modifications significatives. L’escalade d’engagement peut ainsi conduire une personne a inconsciemment influencer les réponses apportées au test utilisateur pour qu’elles confirment cette orientation initiale, ou encore de discréditer les avis qui contrediraient cette orientation. Face à des avis négatifs qui pourraient remettre en question la finalisation ou la commercialisation d’un produit (sur lequel une équipe travaille depuis plusieurs mois), il peut être tentant de se focaliser sur les avis positifs pour justifier la poursuite de la direction initiale. C’est pourquoi, lors de ce type de tests, il est généralement recommandé de recueillir l’avis d’une personne externe à l’entreprise. Cela permettra de réduire au maximum l’influence que peut avoir l’entreprise sur l’avis de cette personne, et garantira ainsi l’objectivité de ses retours.